Monsieur Frey, la Banque nationale suisse indique qu’après le secteur de la restauration, c’est la branche automobile qui a fait le plus grand usage des crédits COVID alloués par la Confédération. La branche va-t-elle si mal que ça ?
André Frey, directeur général de la Figas : Je ne vois pas de lien direct. L’utilisation des crédits COVID ne doit pas être interprétée comme un indicateur de la situation de la branche. Comme nous l’avons indiqué dans un article d’AUTOINSIDE, l’industrie automobile devrait sortir relativement indemne de la crise. Les pertes de revenus sont bien entendu considérables sur le marché des véhicules neufs. Mais nous constatons également une évolution très positive sur celui des voitures d’occasion. Les indemnités en cas de RHT ont par ailleurs permis à beaucoup d’ateliers de compenser les pertes subies lors du confinement du printemps dernier. Nous avons en outre observé que les coûts ont pu être optimisés et ainsi réduits. Enfin et surtout, la plupart des importateurs ont apporté leur soutien à leur réseau de concessionnaires. Globalement, nous estimons que les dommages seront limités.
Selon la BNS, 30 % des entreprises du commerce et de la réparation automobiles ont reçu un crédit d’aide. Comment expliquez-vous cela ?
Pour une entreprise, les liquidités sont aussi importantes que l’air dont nous avons besoin pour respirer. L’industrie automobile est généralement très gourmande en capitaux. Les liquidités constituent donc toujours un aspect crucial. Les indicateurs généraux des liquidités au sein de la branche le confirment. Le quick ratio – à savoir le rapport entre les liquidités et les créances et le passif à court terme – se situe toutefois, avec 61,3 %, nettement en deçà de la valeur minimale générale de 100 %, ce qui s’explique par des stocks élevés. Pour des raisons de liquidités et de sécurité, les aides publiques ont par conséquent été utilisées de manière intensive. Une fois n’est pas coutume, le fait que l’industrie automobile réalise des chiffres d’affaires élevés par rapport aux autres branches a constitué un avantage. Le montant du crédit COVID-19 maximum étant fonction du chiffre d’affaires, les entreprises de la branche automobile ont pu demander des crédits importants.
Dans un article de l’édition de décembre d’AUTOINSIDE, la Figas a indiqué quelles étaient les utilisations possibles ou, au contraire, totalement proscrites de ces crédits d’aide. Le garagiste sait-il qu’il ne peut, par exemple, pas utiliser cet argent pour investir dans de nouveaux secteurs d’activité ou distribuer des dividendes ?
Le formulaire de demande « accord de crédit COVID-19 », que les entreprises ont dû compléter et signer, indique en détail les conditions et les règles d’utilisation du crédit. Mais dans le stress du confinement, il est possible que les passages en petits caractères n’aient pas toujours été lus attentivement. La presse a régulièrement abordé certains points, tels que le paiement des dividendes, dont les entrepreneurs devraient donc être informés. Nous avons pris soin de leur rappeler ces aspects dans notre article, car les sanctions applicables en cas de violation sont très lourdes. L’article est disponible en ligne sur le site figas.ch.
Obtenir un crédit ne veut pas forcément dire qu’on en a besoin. Avez-vous une idée du nombre de crédits qui ont effectivement été utilisés ?
Non, nous ne disposons pas de telles données. On peut toutefois supposer qu’une grande partie des entreprises qui ont demandé un crédit l’utilisent encore dans leur activité quotidienne. En revanche, certaines d’entre elles l’ont entièrement placé sur un compte comme réserve de liquidités ou l’ont déjà remboursé.
En 2020, la Suisse a enregistré beaucoup moins de faillites que les années précédentes. Creditreform parle « d’entreprises zombies » qui se maintiennent à flot grâce aux aides publiques, mais sombreront dès que ces dernières seront suspendues. Doit-on s’attendre dans les douze prochains mois à une vague de faillites dans la branche automobile ?
Je ne le pense pas. Les entreprises qui étaient en procédure de faillite ou de concordat en mars 2020 n’auraient de toute façon pas été autorisées à déposer une demande de crédit. Ces faillites ont été intégrées dans les statistiques normales de 2020. Il se peut toutefois que les crédits COVID-19 aient prolongé l’existence d’entreprises menacées. Le risque est alors que ces dernières fassent faillite ou soient liquidées ultérieurement. Mais les aides publiques permettent également à ces entreprises de prendre le temps de prendre leurs responsabilités et de remettre leur activité sur la bonne voie. Il est possible que les faillites soient dans un avenir proche plus nombreuses dans l’industrie automobile, mais comme je l’ai indiqué, on ne pourra en aucun cas parler de « vague ».